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Seconde vie des batteries - Etat des connaissances et éléments prospectifs

Résumé

Le gisement de batteries usagées liées à la mobilité électrique sera en forte augmentation dans les années à venir. En effet, après 10 à 15 ans d’utilisation, ces batteries ne seront plus utilisables pour de la mobilité du fait d’une perte de capacité qui diminue fortement l’autonomie. Cependant, elles auront encore une capacité résiduelle significative (généralement supérieure à 70%), leur permettant d’être préparées pour une seconde vie, pour un même usage ou un usage différent notamment en stockage d’énergie stationnaire. La filière de seconde vie est donc en cours de structuration en Europe.

L’étude fait ainsi le point sur les dispositions réglementaires actuelles et prévues dans le cadre du Règlement européen Batteries. Elle présente ensuite une estimation du gisement total de batteries de mobilité en fin de vie et du gisement pouvant faire l’objet d’une seconde vie entre 2025 et 2040. L’étude décrit également le panorama des initiatives de seconde vie en Europe. Cinq d’entre-elles sont analysées plus en détail afin d’en comprendre les conditions techniques et organisationnelles. Une analyse transversale permet d’identifier les points communs et différences notamment en matière de stratégie industrielle ou de critères permettant de juger du caractère réutilisable de la batterie. L’étude conclut sur les points d’attention en matière de pertinence environnementale et économique de la seconde vie. Puis elle dégage les freins et leviers afin de favoriser cette seconde vie.

Mots clés Batteries Li-ion, seconde vie, mobilité, Li-ion batteries, second life, mobility

Date de publication : mai 2023

Réalisation : RDC Environment

Référence : RECORD, Seconde vie des batteries - Etat des connaissances et éléments prospectifs, 2023, 146 p, n°21‑0922/1A


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Synthèse

Contexte, objectifs et méthodologie de l’étude

Le gisement de batteries de mobilité usagées est attendu en forte hausse dans les années à venir, du fait de la forte croissance de la mobilité électrique dans les secteurs de la mobilité légère comme de la mobilité lourde.
Les batteries de mobilité en fin de vie, après 10 à 15 ans d’utilisation, ne sont plus utilisables pour de la mobilité du fait d’une perte de capacité électrique qui diminue leur autonomie. Cependant, elles ont encore une capacité résiduelle significative, leur permettant d’être préparées pour une seconde vie, pour un même usage ou un usage différent. 

La filière de seconde vie est encore en cours de structuration en Europe. En effet, elle ne bénéfice pas encore de cadre réglementaire adapté. Cependant, une multitude d’initiatives de seconde vie ont été identifiées en Europe, avec des maturités techniques et commerciales variables, du stade R&D au démonstrateur, et quelques initiatives proposent même une offre commerciale depuis quelques années. 

L’étude a pour objectif de réaliser un état des lieux des initiatives de seconde vie des batteries Lithium-ion de mobilité électrique (mobilité légère et véhicules hybrides et électriques) en Europe et de donner une vision des perspectives de la seconde vie en Europe. 

Pour cela il s’agit :

  • D’évaluer le gisement potentiel des batteries usagées qui seraient utilisables en seconde vie, en France et en Europe
  • De réaliser un état de l’art technico-économique des diverses solutions possibles de seconde vie avec établissement des retours d’expérience d’opérations réalisées en France et en Europe
  • D’identifier les barrières à lever concernant la réutilisation de batteries en seconde vie et proposer des solutions

L’étude s’est déroulée de mars 2022 à avril 2023.

La méthodologie est résumée dans le schéma de plan de travail ci-dessous.


Figure 1: Plan de travail de l'étude (RECORD, 2023)

Contexte réglementaire

Situation actuelle
La Directive 2006/66/CE relative aux piles et accumulateurs ainsi qu'aux déchets de piles et d'accumulateurs fixe le cadre réglementaire applicable en Europe à la gestion des batteries de mobilité électrique en fin de vie. Les batteries de mobilité électrique sont considérées comme des batteries industrielles, et elles ne sont pas concernées par les obligations de reprise et par l’objectif de collecte séparée. Les metteurs en marché sont tenus de ne pas refuser de reprendre aux utilisateurs finals les déchets de piles et accumulateurs industriels.
En outre, la Directive actuelle n’envisage pas la seconde vie des batteries en tant qu’opération de traitement et est clairement orientée vers le recyclage. Le statut de déchet, les responsabilités et les exigences de sécurité pour les batteries de seconde vie ne sont pas clarifiées. Il existe un large éventail de réglementations, de normes européennes et internationales contrôlant les performances et la sécurité des piles et accumulateurs neufs pour diverses applications. Cependant, aucune d'entre elles ne prévoit jusqu'à présent de procédures spécifiques pour la seconde vie.

Perspectives
Le 10 décembre 2020, une proposition de Règlement européen Batteries a été déposée par la Commission Européenne et le 9 décembre 2022, le Conseil et le Parlement ont adopté un accord provisoire sur un projet de texte .
Les batteries faisant l’objet d’un réemploi selon la définition de la Directive Cadre Déchets ne seront pas sujettes aux obligations relatives à la seconde vie dans le cadre du projet de Règlement. La Commission Européenne a clarifié que l’usage de batteries de mobilité pour des usages de stockage stationnaire ne peut rentrer dans ce cadre puisque les usages ne sont pas identiques. 

La seconde vie se voit créer un cadre juridique. 4 statuts différents sont créés :
  • Pour les batteries usagées qui n’ont pas le statut de déchet :
    - Le remanufacturage (capacité similaire, usage ou application identique)
    - La réaffectation (usage différent)
  • Pour les batteries usagées qui ont le statut de déchet :
    - La préparation à la réutilisation (usage ou application identique)
    - La préparation à la réaffectation (usage différent)
Toutes les catégories de batteries seront soumises à la responsabilité élargie du producteur et non plus seulement à des obligations de mise en place d’un système de reprise gratuite. Le producteur initial ne devra pas supporter les coûts de la fin de la seconde vie. Les coûts et recettes de préparation à la seconde vie seront pris en compte si la batterie devient déchet, au même titre que les coûts et revenus du recyclage.
En pratique, les normes existantes actuellement ne sont pas adaptées à la seconde vie en termes de processus d’échantillonnage et de quantités de tests destructifs à réaliser. Des normes plus adaptées, basés sur les mêmes essais devront être élaborées. Des travaux sont en cours via le Comité international d'électrochimie pour développer des normes internationales spécifiques à la seconde vie. 
La mise à disposition d’informations par le metteur en marché aux utilisateurs de batteries et opérateurs de seconde vie sera obligatoire, notamment pour déterminer l’état de santé d’une batterie et la durée de vie restante des batteries. 

Gisement de batteries et potentiel de seconde vie

Gestion des batteries de mobilité en France
Collecte
Il n’y a pas d’éco-organisme agréé en France pour les batteries de mobilité à ce jour.
Pour la mobilité légère, il existe des filières volontaires collectives hors agrément pour les batteries de Vélos à Assistance Electrique (VAE) et Engins Personnels de Déplacement Motorisés (EPDM), mises en place par les deux éco-organismes en charge de la filière portable, COREPILE et SCRELEC. 
Pour la mobilité lourde, les constructeurs automobiles, ou les importateurs, qui sont metteurs en marché des batteries de véhicules électriques, gèrent à ce stade les batteries en système individuel, à l’instar du fonctionnement existant pour l’ensemble de la filière VHU. 

Seconde vie
Toutes les batteries de mobilité légère collectées par COREPILE et SCRELEC sont envoyées au recyclage mais des projets de réemploi sont en cours. Les seules initiatives française de seconde vie identifiées (ex : DOCTIBIKE, VIRVOLT, NOWOS) concernent les batteries d’utilisateurs souhaitant les réparer ou les reconditionner. 
Pour la mobilité lourde, il existe trois modèles principaux au stade pilote ou démonstrateur en France : 
  • Le remanufacturage ou « remanufacturing »,
  • La réparation ou « repair and return »,
  • La réaffectation ou « repurposing ».
Potentiel de seconde vie
Le gisement de batteries de seconde vie issues de la mobilité pourrait atteindre 4.5 à 5 millions de kWh en France et 31 à 37 millions de kWh sur base de la capacité restante à horizon 2040. 
A horizon 2040, le gisement français de batteries de seconde vie sera de l’ordre de 45 ktonnes, et le gisement européen de l’ordre de 300-350 ktonnes. 

Panorama des initiatives de seconde vie

87 initiatives de secondes vies de batteries lithium-ion de la mobilité ont pu être recensées et elles ont été analysées à partir de sources bibliographiques et de données publiques. Un descriptif complet des enseignements de ce panorama est fourni dans le rapport complet.

La plupart des projets concerne les batteries de mobilité lourde (60) tandis que les quelques projets liés à de la seconde vie de mobilité légère (20) sont de manière générale des projets à plus petite échelle, qui sont portés soit par des start-ups spécialisées soit par des structures qui intègrent ce service dans une offre commerciale plus large comme de la réparation ou de la vente de batteries et/ou de véhicules de mobilité légère. 

Les applications visées en seconde vie sont principalement la mobilité pour les batteries originaires de mobilité légère (13 initiatives sur 20), et principalement le stockage d’énergie stationnaire pour les batteries originaires de la mobilité lourde (47 initiatives sur 60). 

Analyse transversale des initiatives approfondies

5 initiatives de seconde vie ont été approfondies via des échanges avec les porteurs de projets. :
  • Kyburz : entreprise suisse de production de véhicules à 2,3 ou 4 roues électriques créée en 1991. A partir de 2015 l’entreprise développe un concept qui a pour objectif de réemployer, de réutiliser et de recycler les véhicules et les batteries utilisées 
  • Connected Energy : entreprise britannique de conception de SES à partir de batteries de seconde vie fondée en 2013. L’entreprise propose un système de stockage de grande capacité E-STOR déjà mis en place dans plusieurs installations en Europe et permettant un usage industriel. 
  • Watt4Ever : entreprise belge de conception de SES à partir de batteries de seconde vie. La structure est fondée par un consortium incluant FEBELAUTO (éco-organisme). L’entreprise conçoit, vend et réalise la maintenance des systèmes vendus.
  • Entech : entreprise française de conception de SES. L’entreprise conçoit des SES à partir de batteries de seconde vie de véhicules électriques.
  • xStorage : issu d’un partenariat entre Eaton et Nissan démarré en 2013. Le projet a abouti à la création d’une offre commerciale en France dès 2016 : la vente de systèmes de stockage d'énergie stationnaire conçus à partir de batteries de Nissan Leaf neuves ou usagées. 
Critères de réutilisation
Les principaux critères de réutilisation sont les suivants :
  • L’existence d’un accord avec le metteur en marché,
  • L’existence d’un gisement suffisant de batteries de même nature,
  • L’absence de signes de chocs ou dégradation extérieurs,
  • Des tests de performance pour atteindre une capacité restante supérieure à 65%.
Echelle d’intervention
Les acteurs interrogés ont choisi d’intervenir sur les batteries à différentes échelles (pack/module/cellule).

Sécurité
Suivi en fonctionnement
En fonctionnement, un suivi du système est assuré par :
  • La mesure de différents paramètres en temps réel : SoH, niveau de charge, tension, intensité via différents capteurs et le BMS,
  • Les modules sont gérés par un BMS qui peut être le BMS original du pack ou un nouveau BMS adapté à une utilisation d’un SES,
  • Un système de pilotage ou de contrôle électronique est aussi généralement ajouté afin d’optimiser l’usage des batteries en fonction de l’application et de leur état de santé,
  • Un BMS supplémentaire peut aussi être utilisé pour gérer le système dans son intégralité.
Sécurité
Actuellement, dans les différents cas étudiés la sécurité lors de l’utilisation est garantie par les mesures et contrôles en fonctionnement.
Pour ce qui est du risque incendie, les différentes entreprises interrogées prennent en compte ce risque en identifiant les risques en amont, en mesurant les effets en cas de surchauffe ou bien en définissant des gammes d’utilisation sures.

Aspects règlementaires
La réglementation n’est pas considérée comme un frein pour les initiatives interrogées. Il faut noter que c’est un domaine relativement peu maîtrisé par les interlocuteurs que nous avons interrogés. 

Maturité économique des initiatives
Aucun projet n’a souhaité communiquer sur sa rentabilité actuelle au regard de la seconde vie. Il n’est donc pas possible de conclure de manière certaine sur la maturité économique des initiatives.
Les initiatives de Kyburz, Connected Energy et Eaton sont relativement plus matures. La relative maturité s’explique notamment par l’accès à un gisement conséquent et stable. Elles fournissent une offre commerciale depuis plusieurs années, et sont financées essentiellement par des fonds privés. Ce sont des indicateurs de viabilité économique, sans toutefois apporter de certitudes sur ce point.
Les initiatives d’Entech et Watt4Ever sont relativement moins matures. Ceci est reflété par la relative jeunesse de leurs modèles économiques et le manque de partenariats sur le long terme qui rend plus difficile, à ces initiatives, d’accéder à un gisement conséquent et stable des batteries usagées. Cela fait partie des perspectives de développement. 

Pertinence environnementale de la seconde vie

Une proportion significative de batteries peut être réutilisée au lieu d’être recyclée, ce qui permet d’allonger la durée de vie des batteries et ainsi d’engendrer des bénéfices environnementaux liés à la production et à la fin de vie. Cependant, la seconde vie engendre des impacts supplémentaires lors de la préparation et de la phase d’utilisation. Aucune étude d’analyse de cycle de vie n’a été identifiée pour comparer les impacts environnementaux de la seconde vie et du recyclage. Cependant, quelques éléments qualitatifs et quelques données quantitatives sont compilés dans le rapport afin de permettre de se faire une idée des avantages environnementaux de la seconde vie.

Pour estimer l’intérêt environnemental de la seconde vie, il faut comparer la seconde vie avec la « première utilisation » d’une batterie pour la seconde application. Si une batterie est utilisée pour une application A et réutilisée pour une application B, dans les 2 cas, il y aura la première utilisation A et une fin de vie. L’enjeu porte donc uniquement sur l’utilisation B.
Quelques données ont pu être compilées pour mesurer l’impact de ces différents éléments. L’indicateur d’impact environnemental « changement climatique » a été retenu pour la comparaison, les enjeux environnementaux étant essentiellement des enjeux énergétiques pour la production et le recyclage des batteries. L’enjeu « ressources minérales » est également particulièrement pertinent mais n’a pas été analysé dans ce rapport.

L’exercice permet de conclure que l’avantage environne-mental de la seconde vie n’est pas évident et qu’il dépend :
  • Des pertes énergétiques supplémentaires par cycle liées à l’âge de la batterie, 
  • De l’ajout éventuel de convertisseurs supplémentaires pour le système de seconde vie, qui peuvent pénaliser significativement le bilan de la seconde vie. 
Les conclusions sont à nuancer au vu des hypothèses réalisées qui seraient à discuter plus précisément dans le cadre d’une évaluation environnementale complète par le biais d’une ACV.

Modèle économique de la seconde vie

Pour analyser la pertinence économique de la seconde vie à moyen et long terme, il convient d’analyser les coûts sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Les prix observés actuellement entre acteurs ne sont pas des bons indicateurs, car ils reflètent l’équilibre entre les acteurs à un moment donné, équilibre pouvant être amené à évoluer en fonction du pouvoir de négociation des différents acteurs. En d’autres termes, si un système de première vie est intrinsèquement plus coûteux qu’un système incluant une deuxième vie, un des acteurs (ou plusieurs) va observer des prix moins élevés pour la seconde vie et être incités à la mettre en œuvre.

Il n’est pas possible de conclure de manière générale (c'est-à-dire pour tous les cas de figure) à la pertinence économique de la seconde vie car : 
  • il existe des configurations favorables comme défavorables, 
  • les hypothèses réalisées sont incertaines,
  • les acteurs interrogés ont partagé peu d’informations économiques.
La viabilité économique de la seconde vie est ainsi à analyser au cas par cas, en fonction des caractéristiques de chaque projet.

L’allongement de la durée de vie sera d’autant plus pertinent d’un point de vue économique que : le coût des batteries neuves sera élevé, le coût du recyclage sera élevé, le coût de la préparation à la seconde vie sera bas, et le coût d’opportunité lié à la surconsommation énergétique liée aux pertes de cycles sera faible. 

Perspectives
Des tendances contradictoires concernant la compétitivité des systèmes intégrant une première vie puis une seconde vie s’observent (ex : A moyen terme, les coûts de production des batteries vierges sont amenés à diminuer ou les surcoûts de la seconde vie liés aux tests sont amenés à diminuer si l’accès au BMS, la standardisation des batteries et l’automatisation se développent). 

C’est la dynamique de ces diminutions de coûts qui va déterminer la viabilité économique de la seconde vie. L’ampleur de la baisse des coûts des batteries neuves projetée (54-69  €/kWh en 2040) est plutôt défavorable à la compétitivité de la seconde vie à long-terme, car elle n’est pas compensable par la baisse des coûts de préparation à la seconde vie identifiés. Pour que la seconde vie soit favorable dans ce contexte, il faudrait à la fois une baisse des coûts de préparation à la seconde vie, une hausse des coûts de recyclage et une bonne maîtrise des pertes énergétiques. 

Enfin, les éventuels bénéfices environnementaux de la seconde vie sont actuellement très peu internalisés dans les coûts. L’internalisation des bénéfices environnementaux de la seconde vie dans le modèle économique permettrait de favoriser le bilan économique de la seconde vie.

Freins et leviers à la seconde vie

Les freins et leviers à la seconde vie sont répertoriés dans le tableau ci-dessous. 

Tableau 1: Cartographie des freins et leviers à la seconde vie (RECORD, 2023)

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