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Recyclage et valorisation des composants d'éoliennes. Etat de l'art technico-économique et perspectives

Résumé

En 2024, plus de 9 500 éoliennes terrestres et maritimes sont installées en France. Certains parcs éoliens terrestres français arrivent en fin de vie et une augmentation massive des opérations de démantèlement est attendue à partir de 2025. Se pose alors la question de la gestion et du devenir des éoliennes démantelées : réemploi, réutilisation, recyclage et valorisation des composants et matériaux font partie des solutions — outre l’élimination. Si certains matériaux issus des éoliennes sont recyclables et valorisables en quasi-totalité dans les filières françaises existantes, plusieurs obstacles demeurent s’agissant du recyclage des pales, à base de matériaux composites, et du recyclage des aimants permanents, contenant des terres rares. 

Cette étude réalise un état des lieux du développement dans le monde des technologies de recyclage et de valorisation des différents composants d’éoliennes. Dans un premier temps, un état de l’art technico-économique de la filière de fin de vie des éoliennes est réalisé en Europe (France, Allemagne, Pays-Bas, Danemark, etc.) et aux États-Unis. Cet état de l’art examine différentes dimensions : gisements et devenir des éoliennes, dispositifs législatifs et réglementaires, chaîne de valeur de la filière, aspects opérationnels et techniques autour du démantèlement et des opérations de tri, transport et logistique post-démantèlement, technologies et procédés de recyclage et de valorisation des pales déjà opérationnels. Dans un second temps, pour les pales et les aimants permanents, sont examinées les évolutions possibles s’agissant d’une part des procédés et technologies de recyclage et, d’autre part, de la mise en œuvre de matériaux innovants et écoconçus. Pour les pales, des procédés de valorisation non encore matures ont été décrits, ainsi que des matériaux nouveaux. Pour les aimants permanents, des procédés de valorisation ont également été décrits ainsi que des travaux de recherche sur l’opportunité de remplacer les terres rares ou d’en réduire la teneur.

Mots clés Fin de vie, éolienne, gisement, démantèlement, réemploi, réutilisation, recyclage, valorisation, élimination, pale, matériaux composites, aimant permanent, aimant, terres rares, réglementation, End of life, wind turbine, deposit, dismantling, reuse, recycling, recovery, elimination, blade, composite materials, permanent magnet, magnet, rare earths, regulations

Date de publication : mai 2024

Réalisation : ADIT

Référence : RECORD, Recyclage et valorisation des composants d'éoliennes. Etat de l'art technico-économique et perspectives, 2024, 186 p, n°22-0923/1A


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Synthèse

Contexte de l'étude

Alors que les premiers parcs éoliens terrestres installés en France arrivent en fin de vie et qu’une augmentation massive des opérations de démantèlement est attendue à partir de 2025, à l’origine d’importants flux de matières, se pose la question de la gestion et du devenir des éoliennes démantelées : réemploi, réutilisation, recyclage et valorisation des composants et matériaux font partie des options — outre l’élimination, solution la moins souhaitable.

Si certains matériaux issus des éoliennes sont recyclables et valorisables dans les filières françaises existantes, plusieurs défis demeurent s’agissant notamment du recyclage des pales, à base de matériaux composites, et du recyclage des aimants permanents contenant des terres rares. Nombre de développements sont en cours concernant le démantèlement, le recyclage et l'écoconception de ces différents composants et matériaux.

Objectif et plan de l'étude

Dans ce contexte et au regard de ces enjeux, l’association RECORD a engagé une étude relative au recyclage et à la valorisation des composants d’éoliennes, visant à établir un état de l’art technico-économique et les perspectives associées.

Dans un premier temps (étape 1), l’étude dresse un état de l’art technico-économique de la filière de fin de vie des éoliennes aux échelles française, européenne et mondiale. Cet état de l’art aborde différentes dimensions : gisements et devenir des éoliennes, dispositifs législatifs et réglementaires, chaîne de valeur de la filière, aspects opérationnels et techniques autour du démantèlement et des opérations de tri, transport et logistique post-démantèlement, technologies et procédés de recyclage et de valorisation des pales déjà opérationnels, viabilité économique.

Dans un second temps (étape 2), et ce spécifiquement pour les pales et les aimants permanents, l’étude examine les évolutions possibles s’agissant d’une part des procédés et technologies de recyclage et, d’autre part, de la mise en œuvre de matériaux innovants et écoconçus. Pour les pales, des procédés inédits, non encore matures, sont décrits, ainsi que des matériaux nouveaux, présentant potentiellement une plus grande recyclabilité. Pour les aimants permanents, des procédés sont également décrits (pour l’essentiel non matures), ainsi que des travaux encore au stade de la recherche sur l’opportunité de remplacer les terres rares ou d’en réduire la teneur.

Une dernière étape (étape 3) présente une synthèse conclusive présentant les principaux enseignements de l’étude rassemblés dans une matrice SWOT. Dans une logique de structuration de filière, il est proposé que ces éléments de diagnostic servent de données d’entrée à des travaux futurs, visant à définir des orientations stratégiques possibles assorties de leviers et pistes d’actions.

Résultats et discussion

État de l’art technico-économique

L’analyse réalisée en France fait apparaître un gisement d’éoliennes en fin de vie allant croissant à partir de 2025, pour atteindre près de 1 Mt de matières vers 2030 puis oscillant entre 0,5 et 1 Mt pendant la décennie suivante. Dans d’autres géographies en Europe (Allemagne, Pays-Bas, Danemark, etc.) et dans le monde (États-Unis), les opérations de démantèlement de parcs éoliens — pour l’essentiel terrestres — ont commencé depuis quelques années déjà. Les gisements français de déchets de matériaux composites issus des éoliennes terrestres en fin de vie sont bien cartographiés, avec des volumes à même d’alimenter une filière de recyclage dès 2025. À l’inverse, les gisements français d’aimants permanents à base de terres rares apparaissent limités pendant 20 ans, car seules 5 % des éoliennes terrestres françaises en sont équipées et le démantèlement des éoliennes marines n’interviendra pas avant 2040.

S’agissant du devenir des éoliennes mises hors service, il existe un marché européen voire extra-européen du réemploi (machines d’occasion, pièces détachées) et de la réutilisation (nouveaux usages des pales) permettant de temporiser et différer les étapes de recyclage (recycling) et de valorisation (recovery) en évitant autant que possible élimination par incinération sans valorisation énergétique et/ou mise en décharge (disposal). Mais ces marchés ne sont pas en mesure d’absorber la totalité des éoliennes en fin de vie, de sorte que le recyclage et la valorisation à grande échelle apparaissent inéluctables.

La législation et la réglementation relatives à la fin de vie des éoliennes est marquée par une évolution vers un cadre structurant pour le démantèlement et le recyclage des éoliennes hors d’usage. La politique de l’Union européenne en matière de déchets est de haut niveau et les exigences réglementaires spécifiques à l’éolien sont fixées aux niveaux national, régional, voire local (démantèlement des machines et fondations, gestion des déchets, remise en état des sites). Pour pallier l’absence de norme industrielle internationale régissant la mise hors service et le démantèlement des éoliennes terrestres et contribuer à l’élaboration d’une telle norme, WindEurope (Task Force for Dismantling and Decommissioning lancée dans le but d’harmoniser les normes nationales qui s’appliquent à la mise hors service et au démantèlement des éoliennes) a présenté en 2020 un document d’orientation de l’industrie pour le démantèlement des éoliennes terrestres et soumis ce guide à l’International Electrotechnical Commission (IEC — Technical Committee TC 88 for wind energy generation systems) en vue de contribuer à l’amendement de la spécification technique 61400-28 CD relative à la fin de vie des éoliennes. En France, les prescriptions techniques applicables aux activités de démantèlement des éoliennes en fin de vie sont régies par l’arrêté (modifié) du 26 août 2011 et les opérations de démantèlement et de remise en état sont prévues à l’article R515-106 du Code de l’environnement. En revanche, si en France (Code de l’environnement, loi Agec) comme en Europe (directive-cadre européenne 2008/98/CE relative aux déchets), la gestion de la plupart des déchets fait l’objet d’une législation et d’une réglementation précise (déchets de béton, de métaux, de câbles électriques, d’huiles usagées), il n’existe que peu d’exigences réglementaires pour les déchets de composites en France comme en Europe (classification variable des déchets de composites entraînant une diversification des flux de déchets au détriment d’un flux unique), de même qu’il n’existe pas (encore) de législation européenne ou nationale spécifique relative aux terres rares — dans ce dernier cas la situation évolue car la Commission européenne a présenté en mars 2023 sa stratégie pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement en matières premières critiques et stratégiques CRMA (Critical Raw Materials Act) et le 18 mars 2024 le Conseil de l'Union européenne a donné son approbation au règlement sur les matières premières critiques.

En France, des acteurs industriels de toutes tailles sont présents sur la plupart des maillons de la chaîne de valeur de la filière de fin de vie des éoliennes (démantèlement, tri, transport et logistique post-démantèlement, réemploi, réutilisation, recyclage et valorisation). Mais les entreprises de cet écosystème doivent faire face à une forte concurrence étrangère, notamment en Europe où des filières de démantèlement et de recyclage des éoliennes hors d’usage sont déjà bien établies dans des pays actifs pour l’éolien terrestre (Pays-Bas, Danemark, Allemagne, Espagne) mais aussi pour l’éolien offshore posé (Allemagne, Belgique, Danemark, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni).

Pour les pales en matériaux composites, des technologies et procédés de recyclage et de valorisation sont déjà opérationnels — recyclage mécanique, recyclage chimique par pyrolyse ou par solvolyse, valorisation énergétique/matière comme combustibles solides de récupération, incinération. Les deux technologies les plus couramment employées (les plus matures et économiquement abordables/viables) sont le broyage mécanique fin (valorisation matière mais qualité des recyclats médiocre et débouchés limités) et l’incinération dans les cimenteries ou coprocessing (valorisation matière et énergétique comme combustibles solides de récupération mais fibres de verre perdues et compétition avec d’autres filières utilisatrices de composites). Mais ces méthodes permettront seulement d’absorber les flux sortants des parcs éoliens durant la phase transitoire où ces flux sont encore limités (volumes, temporalité, synergies avec d’autres filières), préalablement à la structuration et l’industrialisation d’une filière de recyclage à proprement parler et selon un modèle économique adapté. D’où une certaine incertitude sur les capacités industrielles de recyclage et de valorisation des pales. Les aimants permanents à base de terres rare peuvent faire l’objet d’une réutilisation directe après reconditionnement des aimants, mais avec la limitation indiquée ci-avant concernant les gisements.

Un autre point de vigilance concerne la viabilité économique de la filière de fin de vie des éoliennes. En 2023, au regard des volumes traités, de la valeur créée et des variations des cours des matériaux/matières, la rentabilité opérationnelle de l'activité de recyclage des éoliennes en fin de vie est faible, voire négative — écart entre le coût des opérations de démantèlement (coûts du chantier de démantèlement par ex. équipements, main d’œuvre, prétraitement sur site, coûts d’élimination des divers matériaux par ex. composites, bétons) et de recyclage d’une part et, d’autre part, le produit que peut en retirer le recycleur (montant facturé à l’exploitant du parc, vente de machines entières, vente de pièces détachées, vente des métaux ferreux et non ferreux, vente des granulats béton, vente des divers matériaux par exemple fibres de verre ou de carbone, terres rares, CSR). Dans le cas particulier des pales et des aimants permanents, respectivement, les matériaux composites issus des éoliennes en fin de vie seront majoritairement à base de fibres de verre jusqu’en 2035-2040, les renforts à base de fibres de carbone (valeur supérieure) n’ayant été utilisés qu’à partir de 2015 ; quant aux aimants, moins de 1 % de l’ensemble des aimants permanents usagés sont aujourd’hui recyclés selon cette étude de 2022.

Enfin, un dernier point de vigilance concerne les impacts environnementaux et sanitaires de la filière de fin de vie des éoliennes, en particulier s’agissant des pales. En milieu extérieur, les retours d’experts comme une revue d’Internet indiquent qu’il n’existe que peu voire pas de prise en compte des problèmes d’émissions de poussières (broyage, découpe à la scie, découpe à la pince) ou de dégagements de fumées (découpe au chalumeau) lors de la manipulation et du traitement des pales, ni de mesures de protection contre le bruit.

Évolutions attendues pour les pales et les aimants permanents

Pour les pales, outre les solutions déjà industrialisées ou en cours d’industrialisation (cf. supra), des procédés et technologies de recyclage et valorisation innovants font l’objet de travaux exploratoires, en particulier la gazéification par lit fluidisé, la pyrolyse assistée par micro-ondes, la fragmentation à haute tension fondée sur l’emploi de courants électriques pulsés, la pyrolyse par plasma, la vapopyrolyse/vapothermolyse, ainsi que la solvolyse hautes ou basses température et pression. Ces solutions alternatives, appliquées seules ou en combinaison, présentent différents niveaux de maturité technologique (industrialisation), varient dans leurs effets sur la qualité des fibres (verre ou carbone) en sortie de procédé — ce qui influence ou détermine la manière dont les recyclats peuvent être réutilisés. L’orientation vers une technologie de recyclage donnée dépend de la nature des différents constituants du matériau (matrice, renforts) ou de l’application visée pour l’utilisation du recyclat.

Pour les pales également, d’autres percées sont attendues concernant l’emploi de matériaux innovants et écoconçus, potentiellement dotés d’une plus grande recyclabilité : résine thermoplastique Elium et projet ZEBRA, RecyclableBlade, vitrimères, polymères autorenforcés, etc. Avec des acteurs de premier plan (IRT Jules Verne, Arkema, Canoe, Engie, Suez), la France est présente sur le projet ZEBRA (Zero wastE Blade ReseArch). Toutefois, la France est quasi absente des grands programmes de R&D européens (Horizon 2020, Horizon Europe) relatifs aux technologies et procédés de recyclage et valorisation des pales. À surveiller : des projets qui vise à développer des solutions applicables aux pales actuellement en service et à d'autres industries utilisatrices de composites thermodurcissables — CETEC (chimiolyse), DecomBlades (pyrolyse).

Pour les aimants permanents, les perspectives portent principalement sur le recyclage en boucle courte (régénération de l’alliage magnétique) et le recyclage en boucle longue (extraction des terres rares par voie chimique), ainsi que sur la possibilité de réduire la teneur des terres rares utilisées. Ces différentes voies sont encore à un stade amont. La France dispose d’expertises avec le CEA-Liten, quelques entreprises et le projet MAGNOLIA (MAGNets on pilOt LIne Ambition — projet qui vise à structurer en France une filière industrielle de recyclage et de fabrication d’aimants permanents frittés), principalement sur la boucle courte, également sur la boucle longue mais dans une moindre mesure. La France est par ailleurs présente dans quelques grands programmes de R&D européens (Horizon 2020, etc.).

Conclusions

La grande diversité de formes (structures) et de compositions (chimies) des pales en matériaux composites et des aimants à base de terres rares est actuellement un frein à un recyclage efficient et massifié de ces composants. L’hétérogénéité des gisements reflète la diversité des constructeurs/fabricants/équipementiers entraînant l'absence de standardisation (design/conception) et de traçabilité des composants.

Dans ce contexte, outre les avancées prévisibles ou attendues s’agissant du traitement des pales et des aimants permanents, la réglementation joue un rôle majeur pour inciter les fabricants de turbines à améliorer la circularité de la filière en rationalisant et optimisant les opérations (démantèlement, tri/transport/logistique, technologies et procédés de recyclage) et, au-delà, favoriser des convergences interfilières (gisements avec des origines et usages différents — composites, aimants). Car pour l’heure, le traitement des déchets tout-venant — massification des gisements — n’est pas envisageable (nécessaire séparation des flux de matières/déchets à recycler).


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