Avec une production annuelle de 310 millions de tonnes en 2024, le secteur des déchets occupe une place importante dans l’activité économique nationale. Bien que la France accorde une forte attention au traitement des déchets et aux impacts environnementaux associés, ce secteur avec ses nombreuses installations industrielles demeure vulnérable au changement climatique. C’est dans ce contexte d’incertitude climatique que l’association RECORD a mené une étude visant à identifier les risques et les opportunités d’adaptation du secteur et de ses différentes filières. Ce travail sectoriel propose un premier niveau d’analyse, couvrant à la fois les territoires métropolitains et ultramarins, avec pour objectifs : i) de dresser un état des lieux des connaissances sur les impacts climatiques touchant le secteur des déchets, en intégrant des projections climatiques à l’horizon 2100 ; ii) de réaliser une cartographie des risques climatiques pour les principales filières ; iii) de formuler des recommandations d’actions d’adaptation en vue de construire une trajectoire d’adaptation cohérente.
Au-delà du diagnostic, l’étude fournit une méthodologie structurée et reproductible, permettant aux acteurs du secteur (entreprises, opérateurs, autres branches industrielles) d’adapter cette analyse à l’échelle locale. Elle constitue ainsi un véritable outil d’aide à la décision, destiné à accompagner la transition vers une gestion plus résiliente et durable, y compris en période de crise.
Date de publication : juin 2025
Réalisation : CITEPA
Référence : RECORD, Risques et adaptation du secteur de la gestion des déchets au changement climatique en France, 2025, 127p, n°23-0819/1A
Rapport réservé aux adhérents
Avertissement : Le contenu de ces travaux reflète l'état des connaissances et le cadre réglementaire en vigueur à la date de l'édition des documents.
Contexte
La France produit environ 310 millions de tonnes de déchets par an, soit environ 4,6 tonnes par habitant. Cette production provient principalement de trois sources : les ménages, les activités économiques hors construction, et le secteur du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP), ce dernier représentant à lui seul 213 millions de tonnes, soit près de 70 % du total. Les déchets ménagers et ceux issus des activités économiques génèrent respectivement 34 millions et 64 millions de tonnes. Le secteur des déchets est crucial pour l'économie et l'environnement, avec des enjeux majeurs liés à la collecte, au traitement et à la valorisation des déchets. Les infrastructures de gestion des déchets sont confrontées à des défis croissants, notamment en termes de recyclage, de valorisation énergétique et d'élimination des déchets (réf ADEME (2024), Déchets chiffres-clés : L'essentiel Édition 2024).
Le changement climatique pose des risques significatifs pour le secteur des déchets, notamment à travers l'augmentation des événements climatiques extrêmes tels que les inondations, les vagues de chaleur et les tempêtes. Ces phénomènes peuvent perturber les opérations de collecte et de traitement des déchets, endommager les infrastructures et augmenter les coûts opérationnels. L'adaptation au changement climatique est donc essentielle pour assurer la continuité des services et minimiser les impacts environnementaux et économiques.
L'étude intitulée Risques et adaptation du secteur de la gestion des déchets au changement climatique en France a été menée par l'association RECORD, en collaboration avec des experts du secteur et des institutions publiques.
L'étude se concentre sur plusieurs filières de traitement des déchets :
Objectifs et Plan de l’étude
Cette étude sectorielle vise ainsi à évaluer les impacts du changement climatique sur la gestion des déchets en France, à cartographier les risques sur la base de narratifs climatiques à l'horizon 2100 et à proposer des recommandations ainsi qu'une méthodologie reproductible pour renforcer l'adaptation et la résilience du secteur.
Pour atteindre cet objectif, plusieurs axes spécifiques ont été définis.
- État des lieux des connaissances : Un état des lieux a été réalisé pour recenser et synthétiser les informations disponibles sur les risques climatiques et les actions d’adaptation potentielles dans le secteur des déchets. Cette démarche inclut une revue bibliographique approfondie des études existantes ainsi que l’analyse de données techniques relatives aux impacts climatiques spécifiques aux infrastructures de gestion des déchets.
- Analyse prospective des impacts climatiques : Les risques physiques associés au changement climatique ont été identifiés, notamment ceux susceptibles d’affecter les infrastructures et les activités de gestion des déchets. Cette analyse a été menée en s’appuyant sur des narratifs climatiques élaborés pour l’étude. Ces scénarios ont permis d’examiner les impacts potentiels et de mieux comprendre les vulnérabilités du secteur face à différentes conditions climatiques futures.
- Cartographie des risques : Une cartographie des risques climatiques a été élaborée, mettant en évidence les principales menaces par filière et par territoire (métropole et territoires ultramarins). Les risques majeurs identifiés ont été évalués et inscrits dans une matrice, selon leur occurrence et leur gravité. Cette cartographie a permis de hiérarchiser les menaces et de mieux comprendre l’exposition des infrastructures aux aléas climatiques, comme la modification du cycle de l’eau, les inondations, les tempêtes ou les incendies.
- Propositions de pistes d’adaptation : À partir des analyses précédentes, des recommandations concrètes en matière d’adaptation ont été formulées pour les différentes filières de gestion des déchets. Ces propositions ont été conçues pour être à la fois pratiques et applicables à l’échelle locale, tout en prenant en compte les spécificités géographiques et industrielles. Les solutions suggérées incluent des ajustements organisationnels, des stratégies d’aménagement des infrastructures, et des innovations techniques pour renforcer la résilience du secteur face aux impacts climatiques.
Cette étude permet aux différents acteurs du secteur, tels que les entreprises, les opérateurs et autres secteurs industriels, d'adapter et d'appliquer ces analyses à des échelles locales. Elle constitue ainsi un outil d'aide à la décision pour accompagner la transition vers une gestion plus résiliente et durable des déchets, y compris dans un contexte de crise.
Figure 1 : Chronologie de l’étude (RECORD, 2025)
Résultats obtenus et analyse
Synthèse des résultats de la phase 1
L'étude a permis d'identifier les composantes clés du secteur des déchets susceptibles d’être exposées aux risques climatiques, ainsi que les macro-processus et processus associés, en s'appuyant sur la méthode OCARA et les avis des experts constituant le comité de suivi de l'étude.
Cette approche a permis de structurer une analyse granulaire des impacts climatiques sur chaque composante sélectionnée, en les divisant en six composantes clés, elles-mêmes subdivisées en macro-processus et processus.
Trois narratifs climatiques ont été élaborés pour évaluer les impacts potentiels sur le secteur des déchets. Ces narratifs, basés sur des projections climatiques à l'horizon 2100, et suivant une taxonomie des aléas élaborée pour l’étude, incluent un scénario optimiste (+2°C par rapport à l’ère préindustrielle), un scénario de référence nationale (+4°C) et un scénario spécifique aux territoires ultramarins. Par exemple, le narratif optimiste prévoit une augmentation modérée des températures moyennes, avec des vagues de chaleur plus fréquentes et des épisodes de sécheresse plus intenses. Le narratif de référence nationale, plus pessimiste, prévoit une hausse significative des températures et une intensification des événements climatiques extrêmes, tels que des inondations plus fréquentes et des tempêtes plus violentes. Le narratif spécifique aux territoires ultramarins prend en compte les spécificités de ces régions, où les impacts climatiques sont souvent plus prononcés en raison de leur vulnérabilité géographique et écologique.
Synthèse des résultats de la phase 2
Les narratifs élaborés en phase 1 ont permis de projeter les impacts climatiques sur les processus du secteur, grâce à l’outil des chaînes d’impact, et d'évaluer les risques associés, grâce à l’outil de la matrice des risques.
L'étude a abouti à la création de 64 chaînes d'impacts, dont une pour le secteur entier et huit pour les filières de traitement spécifiques. Ces chaînes d'impacts ont permis d'identifier des risques consolidés, qui ont ensuite été cartographiés selon leur occurrence et leur gravité.
24 cartographies de risques ont ainsi été réalisées, déclinées par narratif climatique et par filières prioritaires. Ces cartographies des risques offrent une vision détaillée des menaces climatiques pesant sur le secteur de la gestion des déchets, facilitant ainsi l'identification des actions prioritaires.
Synthèse des résultats de la phase 3
À partir des risques consolidés identifiés, des objectifs d'adaptation ont été formulés, visant à renforcer la résilience des infrastructures, améliorer l'adaptabilité des systèmes de gestion des déchets, garantir la sécurité des installations et optimiser les conditions de travail.
Un total de 115 pistes d'adaptation a été identifié, dont 27 ont été priorisées grâce à une analyse multicritère. Ces pistes d'adaptation prioritaires incluent des mesures organisationnelles, des stratégies d'aménagement des infrastructures et des innovations techniques pour renforcer la résilience du secteur face aux impacts climatiques.
Analyse des résultats
Suite à l’évaluation des impacts et l’exercice de cartographie, il apparait que les composantes suivantes sont particulièrement impactées : Bâtiments et Construction, Approvisionnements, Equipements et Conditions de stockage des déchets. Les risque les plus conséquents concernent l’aggravation significative du risque incendie (condition de stockage des déchets) et les dommages sur le cadre bâti (bâtiment et construction). La restriction sur l’accès à l’eau (approvisionnements) et la restriction de fonctionnement des équipements (équipements) font également partie des risques significatifs.
Ainsi, l’étude s’est concentrée sur les pistes d’adaptation visant à atténuer ces risques. Par exemple, en matière de sécurité et de conditions de travail, il est essentiel de mettre en place des protocoles de sécurité améliorés, de former les employés et de fournir des mesures de protection adaptées. Pour le stockage des déchets, des solutions innovantes comme des technologies de confinement avancées et des systèmes de surveillance environnementale sont nécessaires.
Enfin, les territoires d'outre-mer, en particulier la zone Antilles-Guyane, requièrent une attention particulière pour protéger les infrastructures côtières contre l'élévation du niveau de la mer et l'érosion, notamment par la construction de digues et la restauration des écosystèmes côtiers.
Conclusions
L'étude a permis d'identifier et d'évaluer les risques climatiques pesant sur le secteur de la gestion des déchets en France, en tenant compte de différents narratifs climatiques et territoriaux. Les résultats obtenus offrent une vision détaillée des risques et des stratégies d'adaptation potentielles pour renforcer la résilience du secteur face aux défis posés par le changement climatique.
Les perspectives et recommandations issues de l'étude incluent le développement de trajectoires d'adaptation structurées, la mise en place d'un système de suivi et d'évaluation robuste, le renforcement de la coopération et l'expérimentation de solutions innovantes, et l'intégration des enjeux climatiques dans les politiques publiques. Ces perspectives offrent une base solide pour la planification stratégique et l'optimisation des investissements dans le secteur de la gestion des déchets, facilitant ainsi l'anticipation des évolutions climatiques et l'adaptation des stratégies aux réalités du terrain et aux besoins des acteurs du secteur.
Cependant, l'étude présente certaines limites potentielles qui doivent être prises en compte. Les incertitudes climatiques et les limites des données disponibles, en particulier pour les Outremers, peuvent affecter la précision des projections et des évaluations des risques. De plus, certains risques climatiques peuvent ne pas avoir été identifiés en raison de la complexité des interactions entre les aléas climatiques et les infrastructures de gestion des déchets. Il est également important de noter que les résultats obtenus peuvent varier en fonction des spécificités géographiques et des contextes locaux, nécessitant ainsi une adaptation des stratégies proposées.
En conclusion, l'étude présente une approche méthodologique rigoureuse et pertinente pour évaluer les impacts climatiques sur le secteur des déchets et proposer des stratégies d'adaptation pour renforcer la résilience du secteur. Les acquis de l'étude, les perspectives et recommandations, ainsi que les limites potentielles, offrent une base solide pour la planification stratégique et l'optimisation des investissements dans le secteur de la gestion des déchets.
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