Synthèse
La production de méthane de synthèse à partir de biomasse et de déchets nourrit de nombreuses attentes en France. Les acteurs et notamment les gestionnaires de réseaux de gaz y voient une solution locale de décarbonation et de valorisation des déchets complémentaire à la méthanisation et au service des territoires. Les trois principales filières plébiscitées aujourd’hui sont le power-to-gas, la pyrogazéification et la gazéification hydrothermale. L’analyse de l’état de l’art de ces technologies réalisée dans cette étude montre les contraintes et les opportunités de leur développement en France.
La gazéification thermique sous pression est une technologie encore peu connue des acteurs, qui présente pourtant l’avantage de produire un syngas plus riche en méthane qu’un syngas produit par gazéification à pression atmosphérique. Cette étude vise à analyser les modifications engendrées par l’utilisation d’une pression supérieure à 5 bar afin d’évaluer sa pertinence et son potentiel de développement en réponse à la production de gaz décarboné.
État de l’art de la gazéification sous pression
Le marché européen de la gazéification, et en particulier de la gazéification sous pression, est encore émergent.
Peu de technologies sous pression sont disponibles et, hormis pour la gazéification du charbon à très forte puissance en Chine, Afrique du Sud et Etats-Unis, aucune n’a été mise en œuvre en de nombreux exemplaires. Il faut donc s’attendre sur les prochains projets, notamment sur la biomasse et les déchets, à des difficultés notamment lors de la phase de mise au point.
La gazéification du charbon à très forte puissance utilise la pressurisation des réacteurs pour gagner en rentabilité. Le mode de valorisation du syngas est le principal paramètre pour le choix de la pression, avec une tendance à aligner la pression dans le réacteur avec celle requise in fine.
Le niveau de pression dépend aussi de la technologie, les lits fluidisés utilisant généralement une pression inférieure à celle des lits entrainés pour des raisons techniques.
Ainsi l’ensemble des installations en opération (au charbon pour la production d’ammonium, méthane, polypropylène, etc.) fonctionnent au-dessus de 5 bar et dans une large majorité entre 25 et 40 bar (et pouvant aller jusqu’à 60 bar), montrant ainsi l’intérêt industriel de la gazéification pressurisée à forte puissance pour la valorisation chimique du syngas.
En Europe, le charbon n’étant plus utilisé en gazéification à notre connaissance, les principaux combustibles sont la biomasse (bois de catégorie A et B) et certains déchets comme les CSR (Combustibles Solides de Récupération). Ces combustibles ont un rapport C/O ainsi qu’un taux et une fusibilité de cendres différents de celui du charbon. Ils sont également plus hétérogènes et plus difficiles à broyer (pour une utilisation en lit entraîné). De plus, ces combustibles sont moins concentrés géographiquement, ce qui tend à développer des installations de moindre puissance et à rendre l’utilisation de certaines technologies plus difficile.
Actuellement, les coûts de production sont encore trop élevés par rapport aux conditions du marché européen. Néanmoins, la montée en maturité des technologies en développement permettra de restreindre les risques et de gagner en productivité. Les incitations à décarboner l’industrie et les transports permettront une meilleure valorisation économique du syngas.
Impacts de l’augmentation de la pression
Les points positifs :
- Augmentation de la productivité volumétrique et donc diminution de la taille des gazogènes. La cinétique des réactions de gazéification, limitantes sur le process, est fortement accélérée en augmentant la pression. De plus la densité de l’agent oxydant est plus élevée, ce qui permet d’en injecter plus à une surface et une vitesse donnée.
- Gain énergétique sur la compression : la consommation électrique est fortement réduite en compressant l’agent oxydant et les combustibles plutôt que le syngas, le volume de gaz généré étant supérieur au volume d’intrants (oxydant et combustible). Le gain dépend du facteur d’air utilisé (plus il est élevé, plus il y a d’oxygène et moins la différence entre les deux cas sera importante), du type d’oxydant (air, oxygène, oxy-steam dans l’ordre croissant des gains lors de la pressurisation du réacteur), de la pression de production de l’oxygène et de la possibilité de récupérer gratuitement du CO2 déjà pressurisé (après épuration finale du syngas par exemple) pour s’affranchir du coût du gaz d’inertage.
Néanmoins, la consommation totale d’électricité de l’installation n’est que légèrement réduite car le poste de consommation d’électricité le plus important est la production d’oxygène.
Par ailleurs, du fait de compresser l’agent oxydant plutôt que le syngas, le compresseur de gaz est déplacé de l’aval (en zone ATEX) à l’amont du réacteur (zone sans risque d’explosion). La sécurité et la fiabilité de l’installation sont ainsi améliorées et les CAPEX légèrement diminués (compresseur plus petit et non-ATEX).
- Gain d’efficacité sur les procédés en aval du WGS, méthanation et épuration. Ces gains sont modérés et logarithmiques (l’essentiel du gain est obtenu à 10 bar). Par exemple, gain de +6,9% [0.9%] en sélectivité en CH4 lors de la méthanation à 350°C en passant de 1 [10] à 20 bar. L’utilisation de pressions élevées nécessitera de la R&D sur les briques aval pour les adapter.
- Augmentation de la teneur en CH4 produit. La mise sous pression permet en effet de déplacer l’équilibre thermodynamique vers une augmentation de la production de méthane. Cette augmentation reste limitée (fraction molaire de CH4max de 21% pour le réacteur d’EXXON) à la fois théoriquement (le temps de résidence et la température limite la production de méthane) et en pratique (ajout fréquent d’une étape de craquage catalytique et/ou haute température qui diminue fortement la teneur en CH4).
- Impacts sur les goudrons : la littérature est peu fournie et controversée sur ce sujet. Il semble que la pyrolyse sous pression produit légèrement moins de goudrons. Leur craquage est également modifié, légèrement accéléré, avec une tendance à produire de plus grosses molécules tel que le naphtalène. Un effet inhibiteur sur certains catalyseurs est cependant observé.
Les points critiques :
- Augmentation des contraintes sur la sécurité : augmentation du risque d’explosivité et d’auto-inflammation et risques de fuite. En effet, la température d’auto-inflammation (milieu gazeux) diminue, de même que la concentration en particules (milieu poussiéreux) et la puissance de la source d’inflammation nécessaires pour déclencher une explosion. Le taux de montée en pression et la pression maximale des explosions sont augmentés. La mise en pression du réacteur accentue les risques de fuite. Contrairement à un réacteur en dépression, un problème d’étanchéité se traduit par l’émission de syngas dans le milieu extérieur, ce qui impose la mise en place de sécurités adéquates et modifie le zonage ATEX (gaz).
- Complexification des systèmes d’introduction des combustibles et d’extraction des cendres, entrainant une augmentation des CAPEX et OPEX (consommation de gaz d’inertage). Techniquement il n’y pas de problème particulier jusqu’à 30-40 bar grâce à plusieurs technologies : trémies d’alimentation, vis sans fin, alimentation pneumatique, alimentation par piston. Au-delà les solutions disponibles sont réduites. Le manque de REX industriel ne permet pas de chiffrer ces systèmes d’introduction ni d’évaluer précisément leur disponibilité. Les gazogènes à lit fluidisé sont plus impactés que ceux à lit fixe ou entrainé.
- Développement de nouvelles technologies et mise sur le marché complexifiés : contraintes réglementaires, mise au point, choix des sous-traitants. Cela disparaitra à terme quand le marché sera mature.
- Augmentation des contraintes sur les matériaux de construction : épaisseur des parois du réacteur augmentée (contrebalancé par la réduction de la taille des réacteurs pour le poids total de métal utilisé), contraintes accentuées sur les systèmes d’étanchéité. Les réfractaires sont généralement poreux et donc peu affectés par la montée en pression.
Technologies disponibles
De nombreuses technologies sont disponibles sur le marché. Essentiellement développées pour le charbon, le retour d’expériences sur d’autres combustibles (biomasse, déchets) est restreint.
Les technologies répertoriées dans cette étude s’appliquant à d’autres combustibles que le charbon sont :
- Prenflo® (ThyssenKrupp Uhde, lit entrainé, combustible solide)
- MPG® (Lurgi Air Liquide, lit entrainé, combustible liquide)
- KEW technology (lit fluidisé)
- EQTec (lit fluidisé)
- AFB® (ICC/CAS ; lit fluidisé)
- TRIG® (KBR Transport, lit fluidisé)
- High Temperature Winkler (Gidara, lit fluidisé)
- SHI (Foster Wheeler, lit fluidisé)
- TarFreeGas® (Frontline Bioenergy, lit fluidisé)
- Enerkem (lit fluidisé)
- Renugas® (GTI / ANDRITZ Carbona, lit fluidisé)
- Procédé EUP (Ebara Ube JGC, étagée, plastiques)
- BioTfuel® / BioTJet (étagée, biomasse)
- Bioliq® (Air Liquide, étagée, biomasse)
- Carbo-V® (CHOREN, étagée, biomasse)
Chaque type de gazogènes à ses avantages et inconvénients pour la montée en pression.
- Lit fluidisé

Commentaire :
Les lits fluidisés sont la technologie de gazogène la plus utilisée en Europe. Ils sont en effet bien adaptés aux tailles des gisements et acceptent de nombreux combustibles dès lors que ces derniers ont un niveau de préparation suffisant. Une attention particulière doit néanmoins être apportée aux goudrons, produits en quantité importante et entrainant des coûts conséquents de CAPEX/OPEX pour leur traitement. C’est la technologie la plus sensible à la montée en pression (modification de la vitesse d’injection de l’agent oxydant – qui fluidifie le lit – et système d’introduction des combustibles en partie basse du réacteur sensible à la montée en pression).
- Lit entrainé
Commentaire :
Les lits entrainés sont la technologie de gazogène la plus mature mais uniquement avec du charbon. Ils concernent les fortes puissances (capacité du MPG de Lurgi de 35 000 Nm3/h d’hydrogène). L’utilisation de la biomasse reste au stade laboratoire/démonstration (TRL 6-8) et implique un fort pré-traitement des combustibles pour être convertis en poudre (perte de ~20% de rendement sur du bois). Ce cout de broyage est dans l’état actuel des technologies trop onéreux pour un déploiement des gazogènes à lit entrainé en Europe.
Mais des technologies étagées (pyrolyse ou torréfaction suivie de gazéification en lit entrainé) pourraient permettre l’utilisation d’une gamme de combustibles plus variée avec une perte de rendement acceptable (~3%) bien que cela complexifie les installations.
- Gazéification étagée
Commentaire :
Il est difficile d’analyser « génériquement » cette catégorie de gazogène étant donné sa grande disparité.
Chaque technologie présente des caractéristiques propres et s’adressent à un type de combustible spécifique.
L’utilisation de deux réacteurs pour la gazéification complexifie le process. Cela permet d’ouvrir le champ des combustibles utilisables et potentiellement de réduire les coûts de purification du syngas.
Ce sont donc des technologies d’intérêt mais avec une maturité réduite.
- Lit fixe contre-courant
Commentaire :
Les technologies actuellement commercialisées de gazogènes à lit fixe contre-courant pressurisés sont matures à grande échelle mais uniquement avec du charbon. Ils concernent les fortes puissances (capacité du Mark IV de Lurgi de 12 600 Nm3/h de méthane).
La forte teneur en goudrons implique un système de traitement des gaz qui semble onéreux à mettre en place à échelle réduite. L’utilisation de la biomasse reste au stade laboratoire et de tests clients (TRL 6-8).
Cette technologie ne semble donc pas adaptée à la présente étude.
- Lit fixe co-courant

Commentaire :
Dédiées généralement aux installations de petite puissance de biomasse, les technologies de gazogènes à lit fixe co-courant sont uniquement disponibles sur le marché à pression atmosphérique.
Leur utilisation pourrait être pertinente en produisant du syngas sur différents lieux d’exploitation (à proximité du gisement de combustibles) puis en transportant le syngas pour un traitement sur une installation mutualisant les équipements. Cela nécessite toutefois un double effort de R&D (sur la mise en pression des gazogènes et sur le transport du syngas).
Cette technologie ne semble donc pas adaptée à la présente étude.
Etude de cas
Deux cas ont été choisis pour illustrer cette étude : l’un à pression atmosphérique (GobiGas, comme référence) et l’autre sous pression (KEW Technology). Le choix a été effectué en fonction de la pertinence des technologies et de la disponibilité des informations.
Gobigas
L’installation de gazéification Gobigas (Gothenburg Biomass Gasification) porte sur la production de 20 MW PCS de méthane à partir de biomasse (pellets, plaquettes forestières, bois A SSD) en Suède.
Le gazogène, conçu par Repotec, est un double lit fluidisé à pression atmosphérique.
Ce projet de démonstration était porté par la municipalité de Göteborg. Il devait être suivi par une installation industrielle de 80-100 MWbiogaz.
L’installation a fonctionné de 2014 à 2018. Elle injectait le biométhane dans le réseau régional à 35 bar. Elle a été démantelée pour des raisons économiques (faible rentabilité) après avoir fonctionné plus de 12 000h.
Les bilans matière et énergie du projet sont présentés dans la figure suivante :
Le rendement combustible en biométhane η_CH4=E_CH4/E_combustible a été entre 50% et 63% (pellets) et entre 40 et 55% (autres combustibles) (Larsson et al.). Le bilan Matière & Energie de la Figure 1 prend en compte un rendement de 63%.
Rapporté à la production de méthane (150 000 MWh PCS) la consommation électrique est estimée entre 95 et 110 kWhél/ MWh PCS CH4.
Les CAPEX ont été de 122 M€ (€ de 2014, soit 143 M€, € actuels) et les OPEX de 7.5 M€/an, hors combustible. Le coût de production du méthane (hors coût d’aménagement du site et hors coût de l’intrant) est de l’ordre de 123 €/MWhPCS (€2014, soit 137 €/MWhPCS en €2023).
KEW Technology
KEW technology propose des modules XTE de 10 MW (PCI combustibles) en lit fluidisé bouillonnant. Un reformeur permet de traiter le syngas en décomposant tous les goudrons en gaz incondensables. Il en résulte un syngas final stable, sous pression (~7 bar) et sans goudrons.
Une simulation a été réalisée comprenant 3 modules XTE, soit une puissance de 30 MW (PCI combustible entrée) pour une production de 20 MWPCS de méthane.

Figure 2 : Bilan Matière & Energie Détaillé de l'installation KEW 3 modules XTE (RECORD, 2024)
Le rendement biomasse en biométhane (η_CH4=E_CH4/E_combustible ) est de 59.1%.
Tableau 1 : Consommation électrique poste par poste de l’installation modélisée (RECORD, 2024)

Rapporté à la production de méthane (150 000 MWh PCS) la consommation électrique est de 290 kWhél/ MWh PCS CH4.
Il est à souligner que le démonstrateur produit du syngas à environ 7 bar. Des développements sont en cours pour augmenter cette pression. Ainsi le compresseur syngas ne sera plus nécessaire entre le module XTE et le réacteur de WGS et la consommation électrique diminue à 278 kWhél/ MWh PCS CH4.
Les CAPEX sont estimés à 95 M€ (±30%), hors aménagement du site, et les OPEX à 10 M€/an, hors combustible.
Le coût de production du méthane (hors coût d’aménagement du site et hors coût de l’intrant) est de l’ordre de 130 €/MWhPCS.
Conclusion technique
Jusqu’à 30-40 bar, la gazéification sous pression est industriellement réalisable sans problème technique particulier, avec un fort retour d’expérience (REX) avec comme combustible du charbon, un REX modéré avec de la biomasse et un REX faible avec des déchets. De nombreuses références industrielles en attestent. Des systèmes d’introduction pour tous les combustibles sont disponibles.
Au-delà de cette pression, les contraintes sur le système d’introduction des combustibles deviennent très importantes, notamment pour les systèmes à vis sans fin. De plus, l’utilisation de l’oxygène pose des problèmes de sécurité si sa pression est trop élevée.
Trois incertitudes demeurent sur les impacts de la pressurisation des gazogènes :
- Economiques : la pressurisation complexifie le système d’introduction des combustibles, nécessite une compression de l’agent oxydant, impose des contraintes sur la résistance des réacteurs et des étanchéités versus elle diminue la taille des réacteurs (et donc les coûts de matériaux et construction), diminue la consommation électrique liée à la compression du syngas (si la pression d’utilisation finale du syngas est supérieure ou égale à celle du gazogène) et dans certains cas évite un compresseur syngas entre la sortie du gazogène et les étapes de valorisation.
L’impact sur les CAPEX sera différent selon les technologies de gazéification et le mode de valorisation du syngas. Il ne devrait toutefois pas être supérieur à ± 5-10% des CAPEX au vu des postes modifiés. A technologie de gazéification équivalente et si la pression d’utilisation finale du syngas est supérieure ou égale à celle du gazogène, la consommation en électricité sera diminuée en pressurisant le réacteur et donc les OPEX diminuent légèrement (de l’ordre de 1 à 10% selon le prix de l’électricité et le mode de valorisation).
- Disponibilité : la pressurisation des réacteurs impose des contraintes techniques notamment sur le système d’introduction des combustibles et sur les étanchéités, avec un impact négatif possible sur la disponibilité des installations.
Le manque de REX industriels sur la gazéification sous pression (excepté pour le charbon) ne permet pas de déterminer si la disponibilité d’un gazogène sous pression sera la même qu’un gazogène à pression atmosphérique.
- Rendement : la pressurisation modifie notamment la production de goudrons, la densité de l’agent oxydant et les réactions chimiques dans le réacteur. Son impact sur le rendement de gazéification (η=(débit syngas ×PCI syngas)/(débit combustible ×PCI combustible)) est difficile à évaluer tant ce dernier dépend des conditions opératoires et de la technologie. A temps de séjour et température égaux, la pressurisation devrait légèrement augmenter le rendement (meilleure diffusion de l’agent oxydant, moins de goudrons, meilleure conversion du carbone).
La pressurisation des réacteurs jusqu’à 30 bar semble avoir un effet quasiment nul sur l’acceptabilité des différents combustibles. A l’intérieur des réacteurs, il n’y a pas de modification des mécanismes réactionnels de nature à favoriser ou défavoriser un combustible par rapport à une utilisation à pression atmosphérique (à température constante). Les systèmes d’introduction des combustibles existent pour tous les types de granulométrie. Au-delà de 30 bar, les combustibles liquides ou poudreux sont peu impactés, contrairement aux combustibles solides à grosses granulométrie qui deviennent difficiles à introduire dans le réacteur.
Les technologies de gazéification ne sont pas impactées de la même manière par la pressurisation des réacteurs.
- Les lits entrainés dans leur grande majorité sont conçus pour être sous pression. Le combustible est en effet sous forme de poudre ou liquide, ce qui facilite sa pressurisation. De plus ces réacteurs nécessitent de fortes températures. L’augmentation de la pression et donc de la productivité volumétrique des réacteurs est propice à atteindre le degré de température voulu.
- La pressurisation des réacteurs à lit fixe contre-courant permet d’augmenter leur diamètre. En effet, l’agent oxydant pénètre mieux et plus loin dans le lit. Il faut néanmoins faire attention à la création d’éventuels points chauds où les cendres fusionneraient, entrainant des problèmes dans leur évacuation. Le système d’introduction des combustibles, généralement gravitaire par le haut du réacteur, nécessite l’ajout de trémies intermédiaires pour la pressurisation des combustibles. Cela ne pose guère de problèmes techniques jusqu’à 40 bar.
- La pression a une plus forte influence sur les réacteurs à lit fluidisé. En effet, la pression modifie la densité de l’agent oxydant et donc sa vitesse d’introduction (à débit massique constant). Comme c’est cette vitesse d’introduction qui permet de fluidiser le lit, il faut donc correctement dimensionner le réacteur en fonction de chaque pression. De plus, le système d’introduction des combustibles, généralement en partie basse du réacteur via une vis sans fin, est plus difficile à pressuriser que les autres systèmes d’introduction. Des solutions avérées et fiables existent actuellement jusqu’à 20 bar. Il devrait être possible de monter jusqu’à 30 voire 40 bar si une demande industrielle justifie des programmes R&D dans ce domaine.
- Il n’y a pas de retour d’expérience récent sur la pressurisation de lit fixe co-courant.
Conclusion générale
Le marché européen de la gazéification de combustibles non fossiles et plus particulièrement celui de la gazéification sous pression, est encore émergent. L’écosystème des constructeurs et sous-traitants est pour l’heure restreint. Il est donc difficile de comparer des technologies qui ne sont pas déployées à l’échelle industrielle.
Par ailleurs, pressuriser le gazogène engendre des changements qui restent relativement restreints. Son impact sur une installation de gazéification de bois de catégorie B pour la production de méthane (cas très favorable à la gazéification sous pression) serait d’après les estimations de cette étude une réduction de la consommation d’électricité de 23.5% (soit environ 10% des OPEX).
A l’heure actuelle il n’est donc pas possible de trancher entre gazéification sous pression et atmosphérique.
A court terme, la gazéification atmosphérique bénéficie d’un meilleur retour d’expérience en Europe.
La gazéification sous pression entraine de nombreuses contraintes (sur les matériaux du réacteur, les systèmes d’introduction du combustible et d’extraction des cendres, sur les systèmes de sécurité, etc.), compensées par des gains énergétiques et surfaciques.
Il semble exister un seuil de capacité au-delà duquel les avantages de la pressurisation l’emportent sur ses inconvénients. Ce seuil dépend de la taille de l’installation mais aussi de l’utilisation finale du syngas, si la compression de celui-ci est nécessaire (biométhane, ammoniac, etc.) ou non (moteur de cogénération, chaleur, etc.).
Toutefois, le marché de la production de biométhane semble particulièrement adapté à la gazéification sous pression, étant donné la pression requise en sortie et la taille conséquente des installations nécessaire à une rentabilité économique (de l’ordre de 1 000 Nm3/h de méthane d’après l’AMI de GRTGaz). Les procédés nécessaires à la valorisation du syngas (WGS, méthanation, épuration du CO2) gagnent en efficacité quand la pression augmente. De plus, le CO2 produit peut également être utilisé comme gaz d’inertage et réutilisé dans les boucles de la méthanation (pour le refroidissement du réacteur). Des économies conséquentes (>20%) seront réalisées sur la consommation d’électricité due à la compression des gaz.
L’utilisation de gazogènes sous pression est donc une voie prometteuse pour diminuer le coût de production du biométhane produit par gazéification. Elle devrait se développer si l’évolution des conditions économiques permet l’apparition d’un marché rentable et d’un écosystème industriel complet.
Il reste néanmoins plusieurs verrous techniques spécifiques à la gazéification sous pression (gestion des combustibles et cendres, mise au point, réglementation, sécurité) et d’autres communs avec celle atmosphérique (traitement des goudrons, filtration et refroidissement du syngas) avant un déploiement commercial d’envergure.